Interpréter la mastication non-nutritive et le léchage des lèvres du cheval

Par: Nestor Imberti Publié: 21/01/2022

On a beaucoup étudié sur la relation entre l’homme et le cheval. Interpréter correctement certains gestes et attitudes du cheval n’est pas toujours facile.

Certaines conclusions sont parfois considérées comme valides, avec des arguments qui ne sont pas scientifiquement prouvés et qui sont largement répandus et acceptés dans le monde des amateurs de chevaux.

Pour clarifier certains de ces aspects, j’ai rédigé une série de trois articles dans lesquels, en présentant des recherches et des études réalisées par des experts, j’essaierai de clarifier ces arguments.

Dans ces articles, j’aborderai le sujet selon deux points de vue, en les comparants. D’une part, il y a l’argument de « ce qu’on croit », c’est-à-dire la connaissance qui nous parvient par « tradition narrative », avec peu ou pas de fondement scientifique. Par ailleurs, je présenterai l’argument basé sur des recherches et des études scientifiques.

Les sujets que je vais aborder dans cette série d’articles sont :

• Le comportement à mâcher sans nourriture et à lécher les lèvres avec la langue.
• L’influence du lien entre l’homme et le cheval sur le stress et le comportement.
• Le concept de Leadership et de Domination et ses détournements lors l’entraînement ou le dressage des chevaux.

Mâcher sans nourriture et lécher les lèvres avec la langue

Souvent, quand nous entraînons des chevaux, surtout dans le processus d’essayer de nous lier à lui, que ce soit pour leur enseigner les aides ou même pour essayer de le calmer, les chevaux pratiquent le comportement de mâcher sans nourriture et en même temps se lécher les lèvres.

Quelle est la réponse que nous donnent la plupart des entraîneurs, à ce comportement ?

La réponse est très simple : « Le cheval montre un signe qu’il apprend, qu’il pense ou de soumission à l’entraîneur », qui doit être interprété dans le sens que le cheval a commencé à apprendre, ou à identifier, l’entraîneur comme son " Leadership " et à lui faire confiance et à ce qu’il lui enseigne.

De ce raisonnement découlent une série de conséquences sur la façon dont le cheval doit être entraîné, pour apprendre, ce que l’entraîneur prétend.

Sur la question du concept de leadership, je reviendrai plus tard, lorsque je publierai le dernier article de cette série.

Arguments d’un point de vue scientifique

Ensuite, nous allons vérifier si ce concept est correct, ou non, en fonction de la recherche scientifique concernant ce comportement.

Sur la base d’un article de l’ISES sur ce sujet, je vais présenter une série d’arguments qui dérivent d’une conclusion différente de celle mentionnée ci-dessus.

Les études les plus récentes à ce sujet indiquent que le comportement à mâcher sans nourriture et à lécher les lèvres, est un comportement "naturel", qui se produit après que le cheval a vécu une situation stressante.

Pour découvrir la véritable raison de ce comportement chez les chevaux, une étude a été réalisée à l’Université Norvégienne des Sciences de la Vie (Norwegian University of Life Sciences).

Les scientifiques chargés de cette étude ont estimé que l’étude du comportement des chevaux sauvages dans leur habitat naturel fournirait des informations de grande valeur pour en tirer des conclusions claires.

Ils ont donc décidé d’étudier le comportement d’un troupeau de chevaux sauvages en Équateur. Ils ont passé plus de 80 heures à les observer, allant jusqu’à recueillir jusqu’à 202 séquences de ce comportement spécial.

Margrete Lie et Ruth Newberry étaient chargées de l’enquête. Elles ont ensuite présenté leurs conclusions à la 14e Conférence de l’International Society for Equitation Science (ISES), qui a eu lieu à Rome en 2018.

Quelles ont été les conclusions finales et pourquoi ?

Il s’agissait de savoir pourquoi les chevaux, à un moment donné, mâchaient sans nourriture tout en se léchant les lèvres.

On voulait vérifier s’il était vrai que la mastication était causée par la soumission d’un cheval à un autre cheval et si elle se produisait, dans des moments de stress ou dans des moments de tranquillité.

On a observé les moments où un cheval s’approchait d’un autre de façon menaçante. Si la version de soumission était vraie, l’action de mastication devrait être seulement sur le cheval qui recevait la menace de l’autre.

Eh bien, la réalité était bien différente. Les deux chevaux faisaient l’acte de mastication, tant celui qui attaquait que celui qui recevait l’attaque.

Même le comportement étudié était plus souvent montré par le cheval agresseur que par le récepteur, démontrant ainsi que la manifestation de ce comportement ne représente pas du tout un signe de soumission.

Une fois ces prémisses vérifiées, les recherches se sont concentrées sur la question de savoir si cette attitude se produisait dans des moments de tension ou de tranquillité.

On est arrivé à la conclusion qu’avant la mastication non-nutritive, le cheval était dans une situation de tension, tandis qu’une fois l’action de mâcher et de lécher terminée, le cheval était plus détendu.

En conclusion, le comportement est apparu quand les chevaux sont passés d’un état de tension à un état de relaxation.

Les chercheurs ont conclu que mâcher sans nourriture et lécher les lèvres pourrait être lié au changement d’une bouche sèche, causé par le stress, à une salivation associée à la relaxation, mais jamais à un signe de soumission.

Si, comme toujours en science, il faut poursuivre les recherches sur ce sujet, nous pouvons dire, sur la base d’études de ce type, que ce que nous pouvons faire, est de prendre ce comportement comme un indicateur que la situation antérieure à celui-ci a été perçue par le cheval comme une situation stressante.

Dernière Conclusion

En résumé et à mon avis, la question est réglée d’une manière assez catégorique, du moins pour le moment.

Le comportement de mâcher sans nourriture et en même temps lécher les lèvres avec la langue, "Ce n’est pas un signe de soumission et encore moins nous pouvons en déduire, à partir de celui-ci, que le cheval nous reconnaît comme un leader, ni qu’il pense".

Comme l’a confirmé le Dr Sue M. McDonnell, comportementaliste animal et directrice fondatrice du programme de comportement équin à la Faculté de Médecine Vétérinaire de l’Université de Pennsylvanie :

« L’acte de se lécher les lèvres et de mâcher est probablement l’un des comportements les plus mal compris du cheval. Il reflète simplement un changement dans le ton du système nerveux autonome qui a pour résultat la salivation qui stimule l’acte de se lécher, mâcher et parfois avaler de la salive. »

Pour conclure, j’espère que cet article a contribué à expliquer scientifiquement la raison de ce comportement des chevaux, comme celui de mâcher sans nourriture et de se lécher les lèvres à un moment précis.

Dans le prochain article de cette série, j’aborderai un sujet aussi très controversé, celui de l’influence du lien entre les humains et les chevaux sur le stress et le comportement.

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